Je dis souvent que la paléographie nécessite de « réapprendre à lire » en perdant les routines et habitudes que nous avons acquises à l’école. Il faut sans arrêt réinventer les combinaisons de lettres, les assemblages de mots, se laisser surprendre par l’orthographe et la grammaire…
Dans cet article, je vous montre qu’il faut aussi maîtriser le calcul !
En effet, la manière d’exprimer les chiffres autrefois peut nous surprendre aujourd’hui. Depuis la Révolution, le système « décimal » s’est imposé dans la plupart de nos mesures comme la taille, le volume, le poids ou la monnaie. Mais auparavant, cette « base 10 » était concurrencée par d’autres, notamment la « base 12 » et la « base 20 ».
Pour ceux qui sont fâchés avec les chiffres, je rappelle rapidement qu’une base « est la valeur dont les puissances successives interviennent dans l'écriture des nombres » comme le dit si bien notre amie Wikipédia. D’ailleurs, même si vous n’aimez pas l’arithmétique, vous utilisez la « base 20 » sans vous en rendre compte, quand vous dites « quatre-vingts » pour « 80 ». « Quatre-vingts », comme l’accord le montre, c’est 4 fois 20. Et « quatre-vingt-dix » c'est « quatre-vingts » auxquels on ajoute « dix » pour faire 90.
Nos ancêtres maniaient les différentes bases bien plus habilement que nous ! Pour l’argent, par exemple, les bases 12 et 20 étaient indispensables à connaître puisqu’il fallait 20 sols pour faire une livre et 12 deniers pour faire un sol. Donc une livre équivalait à 240 deniers. Et, au-delà, on n’hésitait pas à multiplier les 20 pour exprimer une plus grosse somme. Et pas uniquement dans 80 ou 90.
C’est ainsi que j’en arrive à l’exemple ci-dessous, issu d’un partage de 1656.
On lit textuellement :
« La somme de unze vingtz quatorze livres
faisant moictyé de quatre centz soixante huict
Livres »
Autrement dit, pour comprendre le calcul et lire le texte avec certitude, il faut savoir que « unze vingtz » signifie « onze fois vingt », soit 220, auxquels on ajoute quatorze, soit 234. Ce qui fait bien la moitié de 468 (« quatre centz soixante huict »). CQFD.
Alors, qu’est-ce qui est le plus difficile dans les textes anciens ? La lecture ou le calcul ?